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Cinq lectures pour comprendre...

Le modèle scandinave et les inégalités sociales

Objet

En 2013, le Forum économique mondial considérait que les inégalités de revenus constituaient la menace la plus susceptible de se manifester au cours des dix années à venir. Les années suivantes, l’organisme a aussi fait la part belle aux risques de nature économique, comme le chômage et les crises financières. Les rapports du Forum ont sonné le réveil des autorités en matière d’inégalités sociales. L’accès aux soins de santé, à l’éducation, à la justice, aux postes de décision, au logement constituent des enjeux qui nous rappellent chaque jour à quel point nous sommes confrontés à un défi de taille : la distribution de ressources limitées au sein d’une société.

Il existe une multitude de modèles de distribution des ressources. Fortement teintés par leur culture égalitariste, le groupe des pays scandinaves [1] ont semblé faire cavalier seul pendant plusieurs années. Si la constitution d’un État-providence imposant n’était pas originale pendant les années qui ont suivi la fin de la Seconde Guerre mondiale, le maintien de ce modèle jusqu’à aujourd’hui est singulier et suscite la curiosité.

Le lecteur animé par cette curiosité trouvera dans les cinq lectures suivantes (et dans les cinq autres pour aller un peu plus loin) de quoi satisfaire la soif de comprendre le modèle scandinave, de ses fondements à ses réformes récentes, et son rôle dans la lutte contre les inégalités sociales. Au final, ces lectures nous renseignent sur deux aspects essentiels du modèle : les mécanismes, parfois complexes, qui agissent sur les inégalités sociales et la viabilité d’un tel mode d’organisation dans notre univers économique.

Les cinq lectures pour comprendre

1 /  Raynault, Marie-France, Dominique Côté et collab., Le bon sens à la scandinave : politiques et inégalités de santé, Les Presses de l’Université de Montréal, 2013, 176 p.  (Collection PUM).

Cet ouvrage se consacre entièrement aux mesures adoptées par les pays scandinaves pour lutter contre les inégalités. Bien que les inégalités de santé soient mises à l’avant-plan, plusieurs autres thèmes connexes sont abordés comme l’aide au logement, l’équité entre les sexes et l’éducation, notamment. Nous attirons l’attention du lecteur sur les chapitres 3 et 4, qui se penchent sur l’exemple des États nordiques en matière de réduction des inégalités de santé et sur les caractéristiques de ces pays. L’analyse serait incomplète si on ne jetait pas un œil au chapitre 11, qui énonce des points de vue critiques sur les politiques des pays nordiques. Rares sont les écrits critiques du modèle scandinave aussi objectifs.

Les chapitres 3 et 4 sont largement descriptifs. Le premier présente un portrait statistique et compare les pays scandinaves à d’autres. Le deuxième explique les principes à la base des politiques publiques des pays nordiques : l’universalité et la protection sociale, la redistribution de la richesse, l’équité entre les sexes, l’importance de l’emploi, pour n’en nommer que quelques-uns. Au chapitre 11, il est intéressant de relever les critiques formulées concernant la viabilité du modèle scandinave, mais surtout les effets pervers des politiques et des programmes mis en place. Bien que visiblement inspirées par le modèle scandinave, les auteures demeurent lucides et reconnaissent sa vulnérabilité et ses défauts.

Un peu conçu comme un petit manuel de politique publique scandinave, il n’est pas étonnant que les auteures estiment que leur ouvrage se destine à « tous ceux qui ont des décisions à prendre, que ce soit au municipal ou à d’autres niveaux ».

2 /  Aucante, Yohann, « Le projet égalitaire en question », Les démocraties scandinaves : des systèmes politiques exceptionnels?, Paris, Armand Colin, 2013, p. 212-227.  (Collection U).

Dans cette section de son ouvrage sur les systèmes politiques des pays nordiques, Aucante revient comme bien d’autres sur les fondements historiques et culturels de la pensée égalitaire des habitants de la Scandinavie. Pour expliquer la faible inégalité constatée dans les pays nordiques, il pointe une raison antérieure à la consolidation de l’État-providence et la mise en place d’une fiscalité progressive : la diminution de la part des revenus du 1 % des plus riches. Ainsi au lieu de profiter à un groupe restreint, les fruits de la croissance économique ont été redistribués à une très large part de la population.

Ce texte se démarque des autres par au moins trois éléments. D’abord, il aborde les inégalités sociales dans un sens large. Ainsi, des sections entières sont consacrées aux inégalités de genre et de culture. Deuxièmement, l’analyse va au-delà des statistiques et des comparaisons avec les autres pays de l’OCDE. L’auteur décortique les effets des politiques publiques, ce qui vient nuancer les chiffres. Enfin, il aborde les questions de l’immigration et de la discrimination raciale plus en profondeur. De la politique du Danemark en matière d’immigration (une des plus strictes en Europe), à celle de la Norvège fortement axée sur l’ouverture à la main-d’œuvre spécialisée (dont elle manque cruellement), en passant par la montée des ghettos de Stockholm, c’est un visage méconnu et surprenant que l’auteur dépeint de la Scandinavie.

3 /  Tanzi, Vito, et Ludger Schuknecht, « État providence et performance économique : le cas des pays nordiques », Sociétal, n° 52, 2e trimestre 2006, p. 75-79.

Les sommes importantes investies par les États scandinaves dans le domaine social ont pour objectif, entre autres, d’amoindrir les inégalités. Or, tous ne s’entendent pas sur la viabilité à long terme d’un tel modèle. Pour comprendre le débat sur le rôle de l’État dans l’économie, et son application à la Scandinavie, le texte de Tanzi et Schuknecht est utile.

Les auteurs adoptent une posture critique à l’égard de l’État-providence. Selon eux, le poids des dépenses publiques en Europe est « excessif » à tel point qu’il nuit à la croissance économique. À ceux qui prennent pour exemple les pays nordiques pour tenter de réfuter leur thèse, les auteurs répondent que : « malgré les apparences, la situation de ces pays ne [la] contredit pas ». Ils prennent appui sur le fait que le Danemark, la Finlande et la Suède ont tous mis en place un certain nombre de réformes visant à réduire leurs dépenses publiques et que des efforts en ce sens sont attendus dans l’avenir. Ils illustrent ce phénomène historiquement, montrant chaque fois les effets des réformes au regard de plusieurs indicateurs.

En somme, la réduction des dépenses publiques a « initié un enchainement vertueux » qui a mené à des baisses d’impôts et à des taux d’intérêt très bas. Pour les auteurs, cela a bénéficié à tous les acteurs économiques. On peut donc penser que, de leur point de vue, les réformes n’ont pas eu pour effet d’accentuer des inégalités, mais, au contraire, de permettre aux contribuables de conserver une plus grande part de leurs revenus.

4 /  Joly, Carlos, et Per Ingvar Olsen, « Quand l’État providence devient un État de ressources humaines », Problèmes économiques, n° 3024, 20 juillet 2011, p. 12-16.

Ce texte prend le contre-pied de l’analyse de Tanzi et Schuknecht. Les auteurs se posent cependant la même question : comment se fait-il que les pays scandinaves continuent de prospérer avec des niveaux si élevés d’impôts et de dépenses publiques? Écrit cinq ans plus tard et après une crise financière sans précédent, l’article de Joly et Olsen nous propose de voir l’État-providence à la scandinave comme un « État de ressources humaines ».

Plutôt que de mettre l’accent sur les réformes des années 1990, qui ont vu les gouvernements de ces pays couper dans la protection sociale, et sur l’enchainement vertueux qui réduirait les inégalités, Joly et Olsen pointent davantage sur les « modes démocratiques de gouvernement qui font barrage à l’instauration d’une inégalité extrême des revenus ». Ce serait donc davantage les structures des sociétés nordiques et non le démembrement du modèle scandinave qui assurerait une plus grande égalité dans la distribution des ressources.

Mais un tel modèle peut-il survivre à la mondialisation? Peut-il s’exporter? Pour répondre à ces questions, les auteurs reprennent des « constructions sociales » typiques des pays nordiques : la pacification des relations entre le travail et le capital, le système fiscal, le rôle central de l’État et le caractère globalement incitatif de la structure de coopération, entre autres. En fin de compte, les auteurs estiment que le modèle est viable, mais vulnérable. En outre, il pourrait être exporté dans les pays en développement. Ce dernier constat est surprenant, car plusieurs auteurs rappellent que si le modèle fonctionne c’est en grande partie parce qu’il est accepté socialement par la quasi-totalité de la population. Or, de tels consensus sont relativement rares ailleurs sur la planète.

5 /  Palme, Joakim, « Protection sociale et lutte contre les inégalités : le modèle scandinave », L’Économie politique, no 13, 2002, p. 103-112.

L’objectif de l’article est de montrer comment les pays scandinaves ont déployé les mesures de protection sociale. Après avoir présenté une typologie des formes de redistribution de la richesse, l’auteur revient succinctement sur la philosophie qui sous-tend la protection sociale scandinave et son historique. Il insiste particulièrement sur l’approche de ces pays, qui est caractérisée par une « perspective de cycle de vie », c’est-à-dire que le soutien de l’État se concentre sur les moments de la vie d’une personne où elle est le plus susceptible d’en avoir besoin. En comparant avec d’autres pays et en se référant à des études, l’auteur met en relief les raisons du succès des pays scandinaves dans la lutte contre les inégalités. Certaines sont d’ailleurs plutôt surprenantes, voire paradoxales. L’auteur fait notamment valoir que plus la classe moyenne est intégrée au système de protection sociale, plus la situation des groupes vulnérables s’améliore. Aussi, il observe que plus les prestations sont ciblées, plus les sommes sont petites. Ce qui expliquerait pourquoi le fait de cibler les plus pauvres par ce genre de prestations ne réduit que faiblement les inégalités.

Et cinq autres lectures (pour aller plus loin)

1 / Paquin, Stéphane, Jean-Patrick Brady, Pier-Luc Lévesque et Luc Godbout, Indicateurs économiques et sociaux : la performance au Québec et dans les pays scandinaves. Note de recherche, mai 2013, surtout les pages 14 et 15.

2 / Milne, Richard, et Andrew Ward, « Le modèle scandinave? Pas si idéal que ça », Courrier international, 2009.

3 / Eydal, Gudny Björk, et Tine Postgaard, « Gender Equality Revisited : Changes in Nordic Childcare Policies in the 2000s », Social Policy & Administration, vol. 45, n° 2, avril 2011, p. 161-179.

4 / Kangas, Olli, et Joakim Palme, « Making Social Policy Work for Economic Development : The Nordic Experience », International Journal of Social Welfare, vol. 18, 2009, p. S62-S72.

5 / Booth, Michael, The Almost Nearly Perfect People : Behind the Myth of the Scandinavian Utopia, New York, Picador, 2015.

 

Préparé par David Boucher, Service de la recherche, octobre 2016

 


[1] Aux fins de la présente note, les expressions « pays scandinaves » et « pays nordiques » seront utilisées de manière interchangeable. Dans son sens restrictif, la Scandinavie ne recoupe qu’une partie des pays considérés comme nordiques. Nous avons choisi l’acception plus générale de ce terme afin d’éviter toute confusion. D’ailleurs, la grande majorité des ouvrages consultés regroupent sous ces vocables la Suède, la Norvège, la Finlande, le Danemark et dans une moindre mesure, l’Islande.

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