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L'économie sociale au Québec

Hélène Bergeron, Service de la recherche
Avec la collaboration du Service de la référence
1er novembre 2017

L’économie sociale est un pilier fondamental de l’économie du Québec, l’un des endroits au monde où elle est la plus florissante. L’expérience et l’expertise québécoises en la matière sont reconnues internationalement. La première partie de cette note cerne les contours de la notion d’économie sociale et la suivante fait le portrait de ce secteur. Les principaux acteurs du domaine sont présentés dans la troisième. Les dernières sections portent sur les moyens mis en œuvre par le Québec pour soutenir le développement de ce type d’économie et sur des défis qui y sont liés.

Définition d'économie sociale
Portrait statistique de l'économie sociale
Principaux acteurs de l'économie sociale
Initiatives ayant contribué à l'essor de l'économie sociale
Quelques faits saillants des derniers mois
Conclusion

DÉFINITION D'ÉCONOMIE SOCIALE

Bien que l’économie sociale ne soit pas une réalité nouvelle, ce n’est qu’en 1996, dans le cadre du Sommet sur l’économie et l’emploi[1], que naît l’expression « économie sociale ». Ce concept « combine deux termes qui sont parfois mis en opposition : ‘‘économie’’ renvoie à la production concrète de biens ou de services ayant l’entreprise comme forme d’organisation et contribuant à une augmentation nette de la richesse collective; ‘‘sociale’’ réfère à la rentabilité sociale, et non purement économique de ses activités[2] ».

Par ailleurs, selon la Loi sur l’économie sociale, « on entend par ‘‘économie sociale’’ l’ensemble des activités économiques à finalité sociale réalisées dans le cadre des entreprises dont les activités consistent notamment en la vente ou l’échange de biens ou de services et qui sont exploitées sur la base des principes suivants :

  • l’entreprise a pour but de répondre aux besoins de ses membres ou de la collectivité;
  • l’entreprise n’est pas sous le contrôle décisionnel d’un ou de plusieurs organismes publics […];
  • les règles applicables à l’entreprise prévoient une gouvernance démocratique par les membres;
  • l’entreprise aspire à une viabilité économique;
  • les règles applicables à l’entreprise interdisent la distribution des surplus générés par ses activités ou prévoient une distribution de ceux-ci aux membres au prorata des opérations effectuées entre chacun d’eux et l’entreprise;
  • les règles applicables à la personne morale qui exploite l’entreprise prévoient qu’en cas de dissolution, le reliquat de ses biens doit être dévolu à une autre personne morale partageant des objectifs semblables ».

La finalité sociale des entreprises d’économie sociale peut prendre diverses formes dont l’intégration sociale et professionnelle de personnes éloignées du marché du travail, la création d’emplois de qualité et durables, l’offre et le maintien de services de proximité ainsi que la préservation de l’environnement.

PORTRAIT STATISTIQUE DE L'ÉCONOMIE SOCIALE

Il faut préciser, d’entrée de jeu, qu’il n’y a pas de portrait statistique complet et à jour de l’économie sociale québécoise. D’ailleurs, dans son plan d’action en économie sociale 2015-2020, L’économie sociale : des valeurs qui nous enrichissent, le gouvernement reconnaît que cette lacune est un important frein à la valorisation et au développement des entreprises d’économie sociale. Il y affirme qu’il soutiendra la réalisation d’un tel portrait. De fait, l’Institut de la statistique du Québec en dresse un, qui, semble-t-il, sera publié en 2018[3].

Cela dit, le plan d’action gouvernemental fournit quelques chiffres sur l’économie sociale[4] qui sont présentés ici : « Le Québec compte environ 7 000 entreprises d’économie sociale. Elles procurent un emploi à plus de 150 000 personnes, ce qui représente un peu moins de 4 % de l’emploi total au Québec. Le nombre d’emplois au sein des entreprises d’économie sociale est comparable au niveau d’emploi observé dans des secteurs comme le commerce de gros ou les services aux entreprises. En 2002, le chiffre d’affaires annuel des entreprises d’économie sociale était de 17 milliards de dollars. Aujourd’hui, uniquement pour les entreprises constituées en coopérative ou en mutuelle, ce chiffre atteint 33,4 milliards de dollars. » Parmi ces 7 000 entreprises, 3 300 sont des coopératives et 3 700 des organismes à but non lucratif (OBNL) ayant des activités marchandes. La moitié des entreprises sont situées dans la région montréalaise.

Pour terminer, soulignons qu’il existe des portraits régionaux des entreprises d’économie sociale qui ont été dressés dans les dernières années.

PRINCIPAUX ACTEURS DE L'ÉCONOMIE SOCIALE

Au Québec, l’économie sociale regroupe les coopératives, les mutuelles et les organismes à but non lucratif qui ont des activités marchandes. Ces dernières, rappelons-le, ne sont pas une fin en soi, mais un levier dans la réalisation de la mission sociale de ces entreprises.

Elles offrent des produits et des services dans un grand nombre de secteurs : agroalimentaire; arts et culture; commerce de détail; environnement; finance solidaire; immobilier collectif; loisirs et tourisme; manufacturier; médias et communication; petite enfance; santé; services aux personnes; TIC, transport, etc. Tous contribuent à l’occupation dynamique de chacune des régions du Québec.

Dans la Loi sur l’économie sociale, le gouvernement du Québec reconnaît deux interlocutrices privilégiées en matière d’économie sociale et la plupart des entreprises d’économie sociale sont regroupées en leur sein. Ces deux organisations, soit le Conseil québécois de la coopération et de la mutualité et le Chantier de l’économie sociale, sont appuyées par des réseaux sectoriels et régionaux.

Le Chantier a créé deux outils financiers destinés exclusivement aux entreprises d’économie sociale. Le Réseau d’investissement social du Québec « offre un financement adapté à ces entreprises en phase de démarrage, de consolidation, d’expansion ou de restructuration, par le biais de deux principaux volets d’intervention : le volet capitalisation et le volet aide technique. Il offre aussi un produit de prédémarrage. » Le second outil, la Fiducie du Chantier de l’économie sociale, offre des prêts sans remboursement de capital avant 15 ans. La Fiducie investit exclusivement dans des entreprises d’économie sociale, notamment des organismes à but non lucratif et des coopératives, de moins de 200 employés.

Enfin, l’organisme Territoires innovants en économie sociale et solidaire regroupe de nombreux acteurs de l’économie sociale et du développement territorial ainsi que des centres de recherche, des universités et des collèges. Cet organisme inventorie et systématise les innovations expérimentées par les entreprises et les organisations de l’économie sociale afin d’en favoriser la diffusion et l’appropriation. Il permet de réaliser un transfert de connaissances pratiques et théoriques coproduites par les praticiens et les chercheurs.

INITIATIVES AYANT CONTRIBUÉ À L'ESSOR DE L'ÉCONOMIE SOCIALE

Depuis la tenue du Sommet sur l’économie et l’emploi, plusieurs actions ont été posées pour soutenir le développement de l’économie sociale. En voici quelques-unes qui ont été entreprises au cours de la dernière décennie.

En 2013, l’Assemblée nationale du Québec adopte à l’unanimité la Loi sur l’économie sociale. Celle-ci reconnaît la contribution particulière de cette économie au développement socioéconomique dans de nombreux secteurs d’activité et sur tous les territoires du Québec. De plus, elle établit le rôle du gouvernement en matière d’économie sociale. Cette loi fera l’objet d’un bilan de mise en œuvre en 2020.

Dans la foulée de cette loi, le gouvernement a créé, en 2014, la Table des partenaires en économie sociale. Celle-ci conseille le ministre de l’Économie, de la Science et de l’Innovation sur toute question qu’il lui soumet en matière d’économie sociale. Elle assure également la cohérence des actions menées par le gouvernement dans ce domaine.

En 2015, le gouvernement rend public son plan d’action en économie sociale 2015-2020. Ce plan vise à fournir aux entreprises d’économie sociale les outils nécessaires, adaptés à leurs besoins, pour se développer et contribuer à l’essor économique du Québec et à son enrichissement collectif. Dans le cadre de cette initiative, ce sont plus de 100 millions de dollars qui sont investis.

À l’automne 2018, un bilan de mise en œuvre de ce plan sera réalisé, soit 18 mois avant la fin de l’exercice, pour témoigner de l’avancement des actions et apporter des ajustements, le cas échéant. Une dernière évaluation sera faite en 2020.

Outre ces initiatives gouvernementales, divers programmes ont été créés pour soutenir le développement de l’économie sociale.

DÉFIS DES ENTREPRISES D'ÉCONOMIE SOCIALE

Les entreprises d’économie sociale sont le reflet et l’expression de la société civile. À ce titre, elles partagent ses défis. C’est, en quelque sorte, ce que rappelle le plan d’action quinquennal du gouvernement. Celui-ci propose d’ailleurs des moyens pour faire progresser l’offre de services de ces entreprises afin qu’elles puissent répondre à ces défis.

Au Québec, le vieillissement démographique est très marqué. Déjà, des 100 000 personnes qui bénéficient des services d’aide à domicile des entreprises d’économie sociale, environ 70 % ont 65 ans et plus. Pour que les aînés demeurent dans leur milieu de vie le plus longtemps possible, comme ils le souhaitent, l’offre de services adaptés à domicile devra être élargie.

Par ailleurs, l’intégration en emploi est une courroie d’insertion sociale et économique privilégiée pour lutter contre l’exclusion tout en favorisant le développement économique. Plusieurs entreprises d’économie sociale ont soutenu l’insertion socioprofessionnelle, et ce, dans des secteurs variés. Toutefois, elles devront être plus nombreuses à intégrer cette fonction dans leur mission, en combinant un dispositif de formation et une activité économique à but non lucratif.

La relève entrepreneuriale constitue aussi un défi important. La fermeture ou la délocalisation des entreprises peut avoir de graves conséquences sur le développement régional, tant pour les travailleurs que pour les communautés locales. Aussi, les acteurs de l’économie sociale devront favoriser la reprise collective des entreprises menacées de fermeture ou de délocalisation.

Enfin, dans une autre perspective, la relève au sein des entreprises d’économie sociale représente aussi un enjeu majeur, particulièrement dans le contexte du vieillissement de la population. Plusieurs gestionnaires du milieu de l’économie sociale et de l’action communautaire sont préoccupés par cette question.

CONCLUSION

Bien que le Québec ait fait des pas sur le plan de la reconnaissance de l’économie sociale, selon le directeur général du Chantier de l'économie sociale, Jean-Martin Aussant, celle-ci souffre de plusieurs préjugés tenaces.

Pourtant, cette économie est beaucoup moins sensible aux fluctuations, contrairement à l’économie de marché plus traditionnelle. D’ailleurs, l’Institut de recherche et d'informations socioéconomiques rappelle que des rapports d’Investissement Québec démontrent que les investissements dans les entreprises d’économie sociale ont les plus faibles taux de perte.

Les bilans qui seront dressés au cours des trois prochaines années de la mise en œuvre de la Loi sur l‘économie sociale et de celle du plan d’action gouvernemental permettront de voir dans quelle mesure ces initiatives auront permis à cette économie de contribuer davantage à l’essor économique du Québec.

 

RÉCENTS TRAVAUX PARLEMENTAIRES
  • Adoption à l’unanimité, le 10 octobre 2013, de la Loi sur l'économie sociale. Elle reconnaît la contribution particulière de l’économie sociale au développement socioéconomique dans de nombreux secteurs d’activité et sur tous les territoires du Québec. Elle établit le rôle du gouvernement en matière d’économie sociale. Cette loi fera l’objet d’un bilan de mise en œuvre en 2020.
EN QUELQUES MOTS
  • Le Québec est l’un des endroits au monde où l’économie sociale est la plus florissante.
  • Il n’y a pas de portrait statistique complet et à jour de l’économie sociale québécoise. Le gouvernement a confié le mandat à l’Institut de la statistique du Québec d’en dresser un. Il est attendu en 2018.
  • La Loi sur l’économie sociale fera l’objet d’un bilan de mise en œuvre en 2020. En 2015, le gouvernement rend public son plan d’action 2015-2020. Un bilan de sa mise en œuvre sera réalisé à l’automne 2018 et une dernière évaluation, en 2020.
EN QUELQUES CHIFFRES [3]


Environ 7 000 entreprises (3 300 coopératives et 3 700 OBNL ayant des activités marchandes)


150 000
employés

4 %de l’emploi total au Québec

33,4 milliards de dollars
Chiffre d’affaires pour l’ensemble du mouvement coopératif et mutualiste (excluant les OBNL)



[1] Le Sommet, en plus d'accueillir des organisations traditionnelles, telles que le patronat, les syndicats et les associations de consommateurs, avait ouvert ses portes aux organisations communautaires. Il faut se rappeler que ce rendez-vous se situait dans une conjoncture économique et sociale marquée par d’importants changements structurels dans le marché de l’emploi, par des problèmes de chômage et de pauvreté, par une réduction des dépenses dans les services publics et par une « vague » d’économie sociale dont l’impulsion a été donnée par la société civile à partir du milieu des années 1980.

[2] Définition proposée par le Chantier de l’économie sociale qui a fait consensus au Sommet.

[4] Les données sur le nombre d’entreprises ont été publiées en 2002 dans le Portrait statistique des entreprises d’économie sociale, une collaboration du ministère des Finances, du ministère de l’Industrie et du Commerce et du Chantier de l’économie sociale. Ce portrait n’a pas été mis à jour depuis. Les données sur le nombre d’employés au sein des entreprises d’économie sociale incluent le Mouvement Desjardins et les grandes coopératives agricoles et des données tirées de l’enquête Les repères en économie sociale et en action communautaire publiée en 2012 par le Comité sectoriel de main-d’œuvre Économie sociale et action communautaire. Enfin, le chiffre d’affaires du mouvement coopératif et mutualiste est calculé annuellement (Conseil québécois de la coopération et de la mutualité, Plan stratégique des réseaux coopératifs et mutualistes du Québec dans une perspective 2020, 2015).

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